Le temps s’est écoulé… Te souviens-tu lorsqu’on s’aimait ?
Nous étions amoureux tous les deux, nous faisions nos projets sans contrainte, et puis l’amour aussi. Brisant notre bulle d’amour, l’arrivée de l’enfant – de notre enfant – a été un cataclysme. Dans sa puissance génitrice, ton amour maternel a pris toute la place et a balayé d’un revers de lien notre fusion amoureuse. Métamorphosée, toi, ma princesse devenue mère, tu t’es vouée corps et âme à ce petit être venu des limbes.
Décontenancé, le prince charmant fut relégué en arrière-plan.
Projetée dans un nouvel univers, toi, ma femme, tu m’as dit : « c’est comme cela qu’il faut aimer, de façon entière et absolue ». Submergée par ton instinct vital et intuitif, guidée par tes élans émotionnels, tu t’es engagée dans cette relation mère-enfant jusqu’à penser pouvoir lui sacrifier ta vie. Me préférais –tu ce petit être, du seul fait qu’il t’assurât un lien d’amour indéfectible, bien plus sécurisant que celui que je pouvais alors t’offrir dans ma pauvreté d’homme ? Ne t’intéressé-je donc plus ?
Tu me disais incapable d’aimer ?
Tu m’invitais à aimer, comme une évidence. Eberlué par tant de bouleversements dans ton comportement, je n’ai pas compris ce que ta demande signifiait. Tu voulais m’entraîner dans un autre univers, or je n’avais pas les clés pour y entrer. En homme réservé et prudent, pourtant admiratif de tant d’engagement de ta part, j’hésitais à m’ouvrir à la transformation. Le mot amour était pour toi un début, une naissance. Il me fallait du temps pour comprendre que l’amour était pour moi une construction lente et patiente, jusqu’à ce qu’il puisse atteindre son accomplissement.